Le quotidien "La Voix du Nord" a eu la riche idée de consacrer fin juillet pas moins de quatre articles au square du Dauphin.

 

    Rappelons les faits, en "faisant bref". Un certain nombre de personnes ont pris l'habitude de se regrouper square du Dauphin, à quelques mètres de la Place d'Armes, et d'y passer leurs journées. Bien malheureusement, ces journées sont consacrées à consommer de l'alcool, avec deux conséquences directes: un comportement souvent agressif envers les passants, et des vessies pleines qu'il faut bien vider ici où là au hasard des envies.

 

    Ce phénomène étant loin d'être une nouveauté, il tend à se généraliser, les assoiffés recevant le renfort d'un certain nombre de consommateurs de produits divers, et de personnes au casier judiciaire chargé.

 

    Le patron du "Connemara", bien connu des commerçants Douaisiens, a de guerre lasse pris l'initiative d'une pétition adressée au Maire de Douai Jacques Vernier, avec le soutien du propriétaire du restaurant "La Cuve d'Or", dont le chiffre d'affaires se ressent cruellement de la peur qui se généralise parmi la clientèle potentielle.

 

    Comme le relève un riverain interrogé sous pseudonyme par "La Voix du Nord" (23.07.2013, p. 7): "Les flics nous disent "on peut rien faire". A quoi ils servent, alors? ( ... ) C'est triste, mais j'pense que ça bougera seulement le jour où y'aura un mort..."

 

    Les trublions sont eux aussi interrogés (24.07.2013), dont Jacques, 57 ans, qui dit drôlement : "Moi, Jacques Vernier, je le connais. Et quand on se voit, il me demande comment ça va." On veut d'autant plus le croire qu'il avait la semaine précédant l'article réclamé "une petit geste" à l'auteur de ces lignes, en lui donnant du "Maître" long comme le bras... Un gaillard malicieux et sympathique, mais qui ne carbure pas à l'eau tiède !

 

    Le 25 juillet, c'est au tour des autorités judiciaires et municipales de s'exprimer. Le Parquet explique faire de son mieux en multipliant les contrôles de Police, et Jacques Vernier expose la difficulté d'obtenir l'hospitalisation des personnes en état d'ébriété, et ses projets pour y remédier, ainsi que l'installation prochaine de caméras de vidéo-surveillance (dont on imagine qu'elles terroriseront nos gais lurons, dont l'un déclarait la veille "se foutre" des amendes, puisqu'il était insolvable...).

 

    Un point étonnant est évoqué le même jour: la présence de deux magasins abreuvant généreusement les habitués du lieu, dont l'un a cessé de vendre de l'alcool aux personnes visiblement ivres, tandis que le second, bien assis sur son tas d'or, s'y refuse absolument...

 

    Le 26 juillet, enfin, les quatre candidats "déclarés" à la mairie de Douai font part de leurs propositions:

 

    - Françoise Prouvost (UMP), qui rappelle s'occuper très régulièrement du dossier, estime le dossier "délicat, car il mêle la nécessité de faire respecter la loi et la dignité des gens en grande difficulté".

    Elle appelle à la résolution des difficultés d'hospitalisation des personnes éméchées, au renforcement de "notre politique de proximité et de solidarité", et à l'application de la loi, quitte à "donner à la police les moyens de remplir sa mission". Enfin, elle précise que le rénovation du square ne sera pas sa priorité, lui préférant les rues commerçantes du ventre-ville.

 

    - Marie-Hélène Quatreboeufs - Niklikowski (UMP) appelle à la réhabilitation de la place, avec installation de caméras de surveillance, et rappelle le projet de centre d'accueil en addictologie.

 

    - Frédéric Chéreau (PS) préconise une rénovation dans le cadre d'un projet d'ensemble, rendant l'accès au site "moins facile". Il "refuse qu'on fasse la chasse aux marginaux", qui "ont leur place square du Dauphin, à condition qu'ils n'y boivent pas". Il propose de "leur suggérer de se déplacer par exemple Place du Barlet ou rue des Arbalétriers, où leur présence sera moins pressante", "trouver un autre endroit où la police municipale pourra dialoguer avec eux, les orienter"... "Prendre en charge les marginaux" "fera partie" de son programme municipal.

 

    - Guy Cannie (FN) se fait fort de "donner la priorité à la sécurité des Douaisiens", car à ses yeux "c'est la municipalité et elle seule qui est responsable de la situation actuelle square du Dauphin". Il propose de "harceler les marginaux qui ne respectent pas la loi. Mais avec correction. La police devra disperser les attroupements dès qu'ils se formeront." Le candidat FN termine en citant sa grand'mère, dont un rapide calcul permet de présumer qu'elle est née en 1890 : pas de doute, des idées neuves.

 

    Au terme de cette enquête, que penser ?

 

    Relevons tout d'abord un terme qui nous a choqué, et sera notre "fil d'Ariane" : celui de "marginaux". Il ne s'agit pas de clochards au sens où on l'entendait autrefois, ni de sans-abris : l'un d'eux, interrogé par la presse, déclare vivre dans un "petit appartement non loin de la Place du Barlet". Il s'agit donc de personnes sans emploi, qui se réunissent chaque jour "dès 8h30 du matin", assure un autre, et commencent à s'alcooliser.

 

    Rappelons à cette occasion qu'être chômeur n'est en rien devenir "marginal", et qu'être malade alcoolique n'est pas honteux. Disons-le, nous récusons absolument ce vocable de "marginaux" les concernant. Relevons a contrario une expression employé par deux employés du magasin "Cash Web" (23.07.2013) "respect mutuel".

 

    Respect. Respect d'autrui, parce qu'on se respecte soi-même. Que Mme Prouvost nous pardonne, mais nous ne partageons absolument pas sa conception de la "dignité" de ces personnes. Quelle dignité y a-t-il à se lever tôt pour s'en aller boire une journée entière, en urinant à tort et à travers, injuriant les passants, et se livrant régulièrement à une mendicité parfois très pressante? Ces personnes ont des familles, des enfants, évoquent leur mère ou leur fille. Que ressent leur famille? Nous ne pensons pas qu'il faille les ménager au motif qu'il serait indigne de leur interdire de se comporter comme ils le font. Que M. Chéreau nous pardonne à son tour, mais suggérer à des malades alcooliques de rester là s'ils cessent de boire, où de s'en aller boire là où ils gêneront moins est une curieuse conception de la santé publique.

 

    Nous pensons, comme M. Chéreau, qu'il faut effectivement les "prendre en charge". Est-ce pour autant de la compétence municipale? Il existe, comme le soulève MH Quatreboeufs - Niklikowski, des centres dits d'addictologie. Aidons au développement de ces services, s'il le faut. M. Cannie a raison à son tour (mais oui !) de déclarer que "s'ils avaient du boulot, ils n'en seraient pas là". Oui. Mais que sait-on de leur état psychologique et de leur aptitude au travail? Et la municipalité serait, à en croire M. Cannie "seule responsable"? M. Cannie suggère-t-il d'en faire des employés municipaux pour remédier à leur "oisiveté"?

 

    Il n'est pas interdit d'avoir, en politique, et plus généralement dans toute action publique, des valeurs. D'expliquer, en l'assumant parfaitement, qu'il est anormal de consacrer des journées à boire en réunion, et que ce comportement relève de diverses pathologies qu'il convient de soigner, dans l'intérêt même de la dignité des malades, et du respect qu'ils se doivent à eux-mêmes, comme aussi à celles et ceux qui les côtoient. Car enfin, lorsque des enfants, des adolescents, ont cet "anti-modèle" sous les yeux et qu'on leur expose qu'il est hors de question de contraindre ces personnes au nom de leur "dignité", quelle autorité avons-nous pour convaincre nos enfants qu'ils s'agit de comportements pathologiques?

 

    Il n'est pas honteux d'être alcoolique; non, ces personnes ne sont pas "marginales"; mais elles doivent être soignées et le premier acte thérapeutique est moral, leur rappeler que leur comportement est anormal parce qu'il est illégal, et qu'à ce titre, il s'impose de le leur interdire par une présence constante d'une police municipale enfin affectée à autre chose qu'à verbaliser les derniers clients des commerçants désespérés de cette situation. Non pas les "harceler avec correction" selon l'expression effrayante de M. Cannie: rappeler la loi, et l'appliquer. Tout simplement. Est-ce si difficile? On nous l'assure. Mais, comme le relevait un riverain, dès qu'un passant aura été tué par un habitué des lieux, tout deviendra soudain possible, et "place nette " sera faite en 24 heures...

 

    Qu'on nous permette d'ailleurs de sourire aux pudeurs de M. Vernier, qui explique ses difficultés à faire interdire la vente de spiritueux à des acheteurs éméchés. Les cafetiers Douaisiens connaissent la longue liste des commerçants qui ont succombé à quelques plaintes de riverains pour nuisances nocturnes, de même que les propriétaires d'immeuble du centre-ville savent ce qu'est une forte pression en vue d'obtenir qu'une façade soit refaite à neuf... Nous ne jurerions pas que les moyens utilisés ont toujours été parfaitement légaux... Et on ne parviendrait pas à convaincre un commerçant de l'intérêt qu'il a à cesser de vendre cet alcool? Voilà soudain M. Vernier bien scrupuleux dans le respect des textes...

 

    Nous parlions de l'exemple donné à notre jeunesse, et nous y revenons. L'exemple que la municipalité doit donner doit avant toute chose être celui de l'application de la loi, dans le respect des devoirs, et des droits. Rien n'est plus terrible que l'exemple de l'impunité.

 

    Le 24 août, par exemple, "La Voix du Nord" (p. 9) nous relatait l'agression subie par ... un livreur de Pizza. Quel était son crime? Avoir indiqué à "quatre jeunes hommes" qui lui bloquaient la route qu'il ne transportait pas de pizza, puisqu'il revenait d'une course. Après avoir été violenté, son téléphone volé puis jeté, c'est sa recette qui lui a été dérobée, pour ... 112,60 euros, soit  un "butin" de 28,15 euros par malfaiteur.

    A Douai, aujourd'hui, on agresse un livreur pour lui dérober 28 euros et 15 centimes! Précisons que l'un de ses collègues avait déjà été agressé la même semaine...

 

    Plus grave encore : hier, lundi 8 septembre (cf. "La Voix du Nord" du 9.09.2013, page 11) "trois contrôleurs ont été agressés dans un tram par plusieurs jeunes gens avant que d'autres individus qui se trouvaient à l'extérieur du tram, ne viennent se mêler à l'échauffourée"... On l'a bien lu : lorsque les contrôleurs sont agressés, des passagers se joignent à l'agression. Qu'en dit Mme Prouvost, Présidente du SMTD ? Elle évoque des "coups portés", l'intervention "rapide" de la police (qui n'a arrêté personne), et l'hospitalisation des trois contrôleurs, qui seraient "surtout très choqués", seul l'un d'eux étant "légèrement blessé à une main".

 

    Quelles mesures vont-elles être prises pour non seulement protéger les contrôleurs, mais aussi être en mesure d'arrêter sur le champ tout agresseur, dissuadant ainsi d'autres passagers de se joindre à l'agression? On n'en sait rien. Madame Prouvost, qui se réjouissait de la remontée du produit de la billetterie du SMTD sait probablement à quoi s'attendre: dès lors qu'elle minimise les conséquences de l'agression, qu'aucun agresseur n'est interpelé, et qu'aucune mesure n'est aussitôt annoncée (au moins son principe - rapidement suivi d'effet ! -, pour témoigner de la prise en compte de la gravité de la situation), les recettes vont s'effondrer de nouveau, le personnel terrorrisé se gardant bien de se sacrifier héroïquement pour faire appliquer des lois dont visiblement nul ne se soucie...

 

    Comme pourrait dire Jacques Vernier, rien de bien alarmant : si les recettes s'effondrent, il suffira d'augmenter les impôts, les Douaisiens en ont désormais l'habitude...

 

    Qui ne voit que c'est l'impunité qui souffle sur les braises de la délinquance pour en faire peu à peu monter les flammes attisées? Qui? Nos responsables politiques. Aveuglement, ou idéologie? Qu'importe: nous aurons le devoir de proposer des mesures simples, efficaces, et courageuses. Si les "politiques" s'y refusent, la population y est prête. Et le temps presse: si ces mesures ne sont pas prises rapidement par des responsables soucieux d'humanisme et de respect des devoirs comme des droits, elles le seront bien vite par d'autres autrement plus extrêmes.

 

    Que chacun accomplisse son devoir d'état; voilà ce que notre population est en droit d'attendre de nous.

 

    Franz Quatreboeufs.

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